Psychomotricienne, Anne Grisez aide les personnes Alzheimer à préserver leur autonomie

Anne Grisez est au lycée quand elle entend parler pour la première fois du métier de psychomotricien. Après une année de prépa, elle est admise au concours de l’ISRP Paris qu’elle intègre en 2005. Elle découvre la gériatrie lors d’un stage court de 2e année qu’elle effectue au sein d’un important EHPAD du Val-de-Marne. Elle décide d’y poursuivre son stage long de 3e année pour développer un mémoire, pétillant à son image : « Les effets physiologiques, psychologiques et psychomoteurs du rire : expérience auprès de personnes âgées en EHPAD ».

L’EHPAD dans lequel Anne a effectué ses stages et réalisé son mémoire ouvre un nouveau site, et un poste à plein temps de psychomotricien est créé. Le Diplôme d’État de Psychomotricien en poche, Anne postule et est aussitôt embauchée.

La création d’Équipes Spécialisées Alzheimer (ESA) dans le cadre du Plan Alzheimer

Un an après sa prise de poste, la structure où Anne travaille remporte un appel à projets lancé par le Plan Alzheimer 2008-2012 pour la création d’une Équipe Spécialisée Alzheimer (ESA). Anne intègre alors une des 39 premières ESA expérimentales du lancement de la mesure.

L’ESA est un dispositif novateur visant à permettre aux patients, à un stade léger à modéré d’une maladie d’Alzheimer ou apparentée, de rester à leur domicile dans les meilleures conditions possibles. La prise en charge compte « 12 à 15 séances de soins d’accompagnement et de réhabilitation » : le rééducateur (psychomotricien ou ergothérapeute) réalise un bilan pour évaluer les capacités de la personne, identifie les difficultés qu’elle peut rencontrer au quotidien et essaie de voir comment l’aider à garder un maximum d’autonomie et d’indépendance en prenant en compte son environnement matériel et humain. Les Assistants de Soins en Gérontologie (ASG) interviennent ensuite pour animer les séances en fonction du bilan et des axes de travail préconisés par les rééducateurs.

Passionnée, Anne travaille depuis 11 ans déjà en ESA. « J’aime intervenir à domicile pour accompagner la personne à être le plus possible autonome et indépendante dans sa vie quotidienne, mieux dans sa tête et dans son corps, et l’aider à trouver ou retrouver un équilibre avec son entourage familial malgré la maladie », confie Anne. « Le travail en ESA, c’est aussi accompagner les aidants à mieux comprendre la maladie de leur proche aidé et leur donner des outils pour l’accompagner. C’est un travail riche en rencontres et en partage », poursuit-elle.

Le développement d’une recherche autour de l’ESA

En 2011, la mission de pilotage du Plan Alzheimer sollicite les psychomotriciens et ergothérapeutes pour mettre en place une étude visant à mesurer l’efficacité de l’intervention des psychomotriciens et ergothérapeutes en ESA. Une équipe de recherche se forme, menée par deux médecins de la mission de pilotage du plan Alzheimer. Elle est composée de Christophe Lefèvre, Séverine Michel et Franck Pitteri, tous psychomotriciens et experts en gérontopsychomotricité. Peu de temps après, Anne les rejoint. Nom de code de l’étude : REPAD (REhabilitation des Personnes Alzheimer à Domicile).

L’étude comporte 2 phases : REPAD-F (Faisabilité) et REPAD-I (Intervention)

> Etape 1/REPAD-F : mesurer la faisabilité de l’étude

Le programme de recherche intègre un nouveau modèle de réhabilitation du patient à domicile. Ce modèle comprend une évaluation des capacités du patient qui permet de cibler une activité de la vie quotidienne qu’il souhaite faire ou refaire, ou pour laquelle il a besoin d’aide. Le modèle permet d’identifier les compétences préservées sur lesquelles s’appuyer pour pallier les capacités nécessaires à l’activité et qui seraient altérées. « C’est un modèle de raisonnement clinique qu’on a élaboré », précise Anne.

Avec l’équipe de recherche, Anne participe à la rédaction du protocole. L’objectif de l’étude de faisabilité est de vérifier que ce protocole est compris et applicable avec les patients et les professionnels et que l’équipe de recherche peut mener le projet final à bien. Le rapport final de l’étude est rendu en 2015 et conclue à la faisabilité de l’étude. La Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA), financeur du projet, et la mission de pilotage du plan Alzheimer encouragent l’équipe de recherche à mener une étude d’impact pour mesurer l’efficacité de l’intervention du rééducateur en ESA.

> Etape 2/REPAD-I : mesurer l’impact de l’intervention du rééducateur en ESA

Cette étude est menée en partenariat avec le laboratoire INSERM U1219 de l’Université de Bordeaux. Elle est financée par les ARS d’Île-de-France et de Nouvelle-Aquitaine, et par la Fondation pour le Recherche en Psychomotricité et Maladies de Civilisation (FRPMC). L’étude débute en février 2019 par le recrutement des expérimentateurs et leur formation au protocole de recherche. Un premier lancement est réalisé en Nouvelle Aquitaine puis généralisé en Île-de-France. « On s’est concentrés sur la partie évaluation et sur le raisonnement clinique que l’on a systématisé. Le contenu des séances est laissé libre aux rééducateurs, mais ils conçoivent tous leurs interventions en se basant sur le même raisonnement », explique Anne. « Le projet avançait bien, mais a été stoppé net par la crise de la COVID-19. Toutes les données recueillies ne sont plus exploitables et nous devons reprendre l’expérimentation à zéro ! », poursuit-elle.

Pour pouvoir reprendre dès que le contexte sanitaire le permettra, l’équipe a fait une demande de financement complémentaire qui a été acceptée par les trois financeurs initiaux. « Cela montre bien que nos partenaires financeurs sont convaincus de l’importance de cette recherche et qu’ils renouvellent leur confiance en l’équipe de recherche ».

L’étude durera environ 2 ans à partir du moment où elle pourra recommencer.

Restée fidèle à l’ISRP, Anne intervient en formation initiale comme coordinatrice pédagogique et dans le cadre d’un cours de pratique en danse orientale. En formation professionnelle, elle intervient comme formatrice et coordinatrice de la formation d’ASG et de spécialisation gérontologique dans les services à la personne. Elle obtient le Titre d’Expert en psychomotricité1 (RNCP Niveau 7) en 2018 par la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE).

Anne aime l’équilibre Enseignement-Recherche-Clinique qu’elle a mis en place. Son moteur : « Les patients et les familles qui nous remercient de notre intervention. Cela donne envie de continuer ! », conclut-elle.

[1] Le Titre d’Expert en psychomotricité (TE) est un titre professionnel reconnu par l’État français offrant de nouvelles perspectives professionnelles.

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